Marvin Fabien ou L'esprit du lieu

La dernière expo de l'artiste, décédé prématurément fin novembre, débutera à l'Atrium mardi 15 décembre

L’exposition "Caribbean Bodies : of Shining Fragments” de Marvin Fabien sera inaugurée le mardi 15 décembre à l’Atrium (FDF), de 17h à 21h ; elle se tiendra jusqu'au 31 décembre 2020. Par sa faculté de créer à partir de divers matériaux et de techniques croisées, y compris les plus à la pointe, il y a chez Marvin Fabien toutes les dispositions d'un artiste plasticien "augmenté".

Rapportant les impressions de Marvin Fabien, le site d’information Montray Kréyol nous précise que « ces caribbean bodies ne sont pas que des corps « aveugles » dans des espaces technologiques et ancrés dans un monde défini par les codes de «l’autre». Ce sont des corps énergétiques, des corps conscients des vibrations qu’ils déploient dans l’espace comme pour redéfinir le corps caribéen, comme pour générer un nouveau code vibratoire qui unit chacun ».

Sur le même média, un autre point de vue nous éclaire sur l’art de Marvin de questionner, par sa démarche de création, « la complexité de l’univers caraïbe, un monde insulaire, dont les cultures se sont façonnées au fil du temps, au fil des rencontres, parfois conflictuelles et tumultueuses, au fil des strates de cultures, d’histoires, de peuples, de mentalités, etc. Il s’interroge alors sur l’idée d’une image projetée, préfabriquée que les Caribéens auraient d’eux-mêmes, sur l’adoption de valeurs esthétiques musicales venues d’ailleurs, et sur le fait de se demander si elles ne seraient pas un moyen de se constituer une identité nouvelle. »

Il y a quelques semaines, Marvin Fabien travaillait encore ( à distance mais porté par la belle disponibilité d’esprit qu’on lui connaissait) à la finalisation de cette exposition qu’il ne verra pas. Disparu prématurément à 42 ans le 29 novembre, Marvin, Dominicais établi en Martinique, laisse ici le témoignage vivant de son questionnement toujours renouvelé sur l’identité de la Caraïbe, lui qui, à travers ses créations et surtout à travers sa personne, son rapport au monde et son rapport à la vie, sut en être l’incarnation généreuse. En 2016, aux côtés du professeur Dominique Berthet qui fut son directeur de thèse, Marvin avait organisé, autour d'une de ses oeuvres, une conférence intitulée "L'esprit du lieu"*. Plus qu'un titre : une invitation, un appel à l'élévation où on le retrouve tout entier. Nous n'en aurons pas moins ce titre présent à l'esprit au moment de visiter l'expo... Marvin nous laisse également en héritage une série de travaux de recherche menés dans le cadre de son doctorat inachevé : nous en signalons certains en bas de cette page, parmi d'autres références.

A ceux qui eurent le bonheur de le connaître sur les campus de Martinique, comme doctorant et chargé de cours, Marvin laissera le souvenir d'une âme noble et bienveillante, d'un être sensible, engagé, créatif et toujours porté à l'échange. Pas de plus bel hommage à lui rendre que de vous présenter ci-dessus, pour illustrer le présent billet, l'une de ses dernières contributions au débat public, à partir d'une de ses créations*, autour de la notion désormais familière de «distanciation sociale », revisitée ici avec toute la finesse du regard critique.

Salut à toi, Marvin !

 

A lire et voir

 

Marvin et ses oeuvres

L’expression « Distanciation sociale » fait appel à la dimension spatiale mais aussi engagée des productions artistiques. Par « distanciation », il faut comprendre la prise de recul au sens littéral, le geste spontané qui nous protège de l’autre. Mais on peut aussi entendre la « distanciation » comme une prise de recul réflexive. Une mise à distance qui peut donc être en ce sens l’occasion de voir les choses sous différents angles, changer de point de vue pour faire naître de nouveaux questionnements. [Commentaire en regard de l’œuvre de Marvin Fabien. Techniques mixtes sur papier, 65 cm x 50 cm.]

Montray Kréyol

Il est de bon ton de répéter à l’envi qu’il faut construire la Caraïbe. D’aucuns en restent « aux paroles en bouche », au verbiage, alors que d’autres réalisent au quotidien ce tissage, métissage,  métatissage, mediatissage…Marvin FABIEN a été et restera un TISSEUR D’AR(T)CHIPÉLITÉ.

Du point de vue artistique, sa création est profondément ancrée dans la Caraïbe. S’intéressant à la musique populaire caribéenne, il a développé un travail autour de la culture Bouyon. Ce courant musical né à la Dominique, s’approprie des styles musicaux comme le jump-up (apparu au milieu des années 1990), le dancehall (musique populaire jamaïcaine qui se développe à la fin des années 1970), et la soca (originaire de Trinidad-et-Tobago dans les années 1970). La musique bouyon s’est répandue ensuite dans les Petites Antilles accompagnée de danses provocantes et de paroles grivoises. Le son et le corps sont de fait au cœur de cette culture populaire. Marvin Fabien traitera ce corps au travers de différents médiums : le dessin, la peinture, le collage, la performance, la vidéo ou encore l’Art sonore (sound art).

 Manioc- bibliothèque numérique Caraïbe-Amazonie

Marvin Fabien (Artiste multimédia caribéen, Master II Arts caribéens et promotion culturelle à l'Université des Antilles) propose une présentation intitulée "le témoignage de "l'esprit du lieu". Selon M. Fabien, du point de vue de l'artiste multimédia caribéen, vivre et créer artistiquement dans la Caraïbe semble exprimer une confrontation entre la subjectivité du lieu et la subjectivité de l'artiste en tant qu'individu. La question de la prégnance du lieu l'amène à s'interroger sur un aspect spontané de sa création artistique : les éléments de l'intervention du lieu dans son travail.

Doctorant en Art, Marvin Fabien présente dans une approche historique, esthétique et sociale, ses recherches sur la relation que l'art et la politique entretiennent dans les années 1970 à la Dominique. Il poursuit son propos à travers une analyse d'oeuvre de deux artistes Dominiquais, Kelo Royer et Christian George. Enfin, il observe la relation que l'oeuvre de l'artiste Alwin Bully entretient avec les questions de résistance, dénonciation, mémoire et lieu.

Entretien réalisé sur la culture « Bouyon » avec l'artiste pluridisciplinaire et à la fois jeune chercheur Marvin FABIEN. Bouyon est un genre musical apparu à la Dominique à la fin des années 1980. Ce rythme, qui est également un mouvement culturel, a été agencé par les technologies numériques qui naissaient à cette époque. Sa valeur et sa richesse ont favorisé son expansion dans d'autres îles de la Caraïbe notamment la Guadeloupe. L'organisation de cet événement a permis d'interroger la dialectique entre les cultures musicales populaires et l'émergence des nouveaux médias.

Marvin Fabien présente lors de cette conférence ses recherches de master portant sur le thème suivant « l'émergence des nouveaux médias dans les pratiques artistiques de la Caraïbe insulaire ». Il explique qu'en interrogeant l'évolution actuelle des arts plastiques dans la Caraïbe insulaire, il a constaté que l'émergence des nouveaux médias a été initiée par un choc technologique. L'intérêt pour lui est de s'interroger sur la présence des nouveaux médias dans les pratiques artistiques caribéennes, et d'étudier la façon dont les nouveaux médias questionnent les genres artistiques déjà existants.

OpenEdition - Revues en SHS (libre accès)

Cet article interroge à travers un angle historique et esthétique, la relation que l’art et la politique entretiennent dans les années 1970 dans l’île de la Dominique. À cette époque, la Caraïbe insulaire semble être en pleine quête d’identité. La relation que ces îles avaient avec leurs colonisateurs apparaît alors comme dans une phase de transformation qui conduit petit à petit, pour certaines d’entre elles, vers une gouvernance locale et une autonomie totale.

Marvin dans ses oeuvres (en photo)