Dans l'histoire de la constitution de la collection Caraïbe de l'Université des Antilles, les dons d'enseignants ou d'intellectuels de la Caraïbe ont joué un rôle important.
Le don du Centre de recherches caraïbes de l'Université de Montréal
Le don du Centre de recherches caraïbes de Fonds Saint-Jacques
L'habitation du Fonds Saint-Jacques, célèbre pour avoir été dirigée par le père Labat de 1694 à 1705, abrita à l'initiative de Jean Benoist, professeur d'anthropologie à l'Université de Montréal, une antenne du Centre de recherches caraïbes de cette université consacrée à l'étude de cette région du monde. De 1966 à 1986, il accueillit des chercheurs et des étudiants de sciences humaines et sociales qui se consacraient à l'étude des Antilles et qui disposaient, pour alimenter leurs travaux, d'un riche centre de documentation. Il fut un centre de recherche très dynamique accueillant plus ou moins longuement des personnalités comme le géographe français Guy Lasserre ou l'éthnomusicologue québécoise Monique Desroches, contribuant ainsi à approfondir la connaissance de l'aire caribéenne et de ses habitants.
Cependant, après le départ de Jean Benoist, le centre perdit de son importance et l'Université de Montréal en décida la fermeture en 1986. C'est alors que leur bibliothèque fut donnée à la toute jeune Université des Antilles-Guyane créée en 1982. Ce don comprenait à la fois les ouvrages de la bibliothèque du centre, ses collections de revues, des exemplaires des ouvrages des presses du Centre de recherches caraïbes, une collection de thèses et mémoires ainsi que des archives, reflets de l'activité scientifique de cette institution pionnière.
Le don Alfred Melon-Degras
Originaire de Martinique, Alfred Melon-Degras, professeur de langue et littérature espagnoles à l'université Paris III mais aussi poète, se consacra à l'étude de la littérature hispano-américaine, principalement cubaine, en particulier de l'oeuvre du poète cubain Nicolas Guillén. Après sa mort en 1990, sa bibliothèque fut offerte à l'Université des Antilles.
Reflet de ses intérêts personnels et professionnels, sa bibliothèque était essentiellement constituée d'ouvrages européens, sud-américains et caribéens en langue espagnole. Ce don a donc permis d'enrichir la collection Caraïbe du SCD de l'Université des Antilles d'ouvrages de ou sur des auteurs porto-ricains, dominicains, guatémaltèques, panaméens, nicaraguayens et surtout cubains.
En effet, le fonds Melon-Degras est un précieux témoignage de l'édition cubaine des années 1960-1970, aux grandes heures de la Casa de las Americas et de l'UNEAC. Alfred Melon, à qui Mary Cruz a dédicacé son livre Creto Ganga en le qualifiant de "grand ami de Cuba et de nous autres les Cubains", possédait de nombreux ouvrages de José Marti, Ernesto "Che" Guevara, Nicolas Guillén, Cintio Vitier, Roberto Fernandez Retamar, Gertrudis Gomez de Avellaneda, Alejo Carpentier, etc. La rareté de certains ouvrages fait du SCD l'une des seules - voire parfois la seule - institutions françaises à les posséder et à les mettre à la disposition des lecteurs.
Du fait de ses activités d'enseignant et de chercheur, Alfred Melon a également laissé des actes de colloques et un ensemble de mémoires dont il a encadré la rédaction, certains traitant de sujets caribéens.
Le don Danielle Bégot
Historienne spécialiste d'histoire industrielle et urbaine, Danielle Bégot enseigna durant toute sa carrière à l'Université des Antilles-Guyane dont elle fut après sa retraite en 2010 professeure émérite. Très impliquée dans la recherche sur la Caraïbe, elle prit part à la fondation du laboratoire AIHP (Archéologie Industrielle Histoire et Patrimoine) qu'elle dirigea et elle s'intéressa beaucoup à l'historiographie sur la région. Cet intérêt la conduisit à diriger la rédaction du Guide de la recherche en histoire antillaise et guyanaise (2011). En lien avec ses travaux de recherche, Danielle Bégot fut en outre très active dans la valorisation et la promotion du patrimoine antillais en particulier le patrimoine urbain et industriel.
Après son décès en 2015, sa bibliothèque fut offerte au SCD et plus de 500 de ses ouvrages sont venus enrichir la collection Caraïbe, en particulier des ouvrages sur l'architecture, l'urbanisme, l'histoire des Antilles et de nombreux ouvrages de référence et encyclopédiques.
Le don Jean Bernabé
Intellectuel martiniquais, à la fois professeur de langue et de littérature créoles, romancier et essayiste, Jean Bernarbé (1942-2017) fut l'une des figures fondatrices des études sur les créoles à base lexicale française de l'université des Antilles. Premier titulaire en France d'une thèse de doctorat consacrée aux créoles guadeloupéens et martiniquais, il oeuvra pour l'étude et la reconnaissance de ces langues, notamment en co-fondant le GEREC devenu plus tard le GEREC-F (Groupe de Recherches et d'Etudes en Espace Créolophone et Francophone), en militant pour la création d'un CAPES de créole et en participant avec Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau à la rédaction du texte fondateur Eloge de la créolité (1989).
Après son décès en 2017, son épouse a offert au SCD de l'Université des Antilles les ouvrages de sa bibliothèque, particulièrement riche en ouvrages sur la littérature et la linguistique, ainsi que ses archives, riche matériel qui témoigne tant de l'étendue de son travail que de ses méthodes de recherche. Dans le cadre du projet de numérisation du SCD "Patrimoines des mondes créoles", ses archives font l'objet d'une numérisation pour être mises à la disposition du public.
Le don Lucien Degras
Après des études de sciences en métropole, Lucien Degras intégra l'Institut National de Recherches Agronomiques (INRA) et fut affecté aux Antilles où il s'intéressa à l'étude des plantes vivrières et en particulier à l'igname. Cet intérêt lui permit de publier de nombreux articles sur cette plante et, en 1986, l'ouvrage de référence L'Igname: plante à tubercule tropicale dans une collection consacrée à la culture des plantes tropicales. Ses travaux portent tout autant sur la plante que sur la dimension sociale et culturelle qu'elle revêt pour les populations qui la cultivent et la consomment. Son dernier ouvrage Le Jardin créole: repères culturels, scientifiques et techniques (2016) est très marqué par cette approche ethnobotanique: il y décrit les origines et les formes du jardin créole présenté comme un élément du patrimoine et des traditions caribéens.
A son décès en 2017 sa famille a fait don au SCD d'une série de fascicules d'une vingtaine de pages qu'il avait rédigés afin d'encourager et de faciliter la culture de certaines plantes tropicales, en particulier les tubercules (igname, patata douce). Ces documents sont venus enrichir le fonds "sciences" de la collection Caraïbe.
Pour aller plus loin : Lucien Degras, "Souvent nature varie"
Le don Jacques Dumont
Spécialiste des Antilles françaises à l'époque contemporaine, Jacques Dumont exerça à l'Université des Antilles-Guyane puis à l'université des Antilles les fonctions de Professeur des Universités en Histoire (sur le campus de Fouillole) et assuma de nombreuses charges administratives, notamment au laboratoire AIHP-GEODE dont il fut le directeur. Il s'intéressa particulièrement à l'histoire du sport et à sa place dans les sociétés guadeloupéennes et martiniquaises ainsi qu'aux questions de la citoyenneté dans ces deux îles. Il publia sur ce dernier sujet L'amère Patrie. Histoire des Antilles françaises au XXe siècle (2010).
A son départ en retraite en 2018, il a offert au SCD une centaine d'ouvrages, dont de nombreux livres en langue anglaise qui traitent d'histoire et de sociologie, et en particulier de sociologie du sport. Ce don a permis d'enrichir la collection Caraïbe de documents relatifs au sport et à son histoire dans la Caraïbe.
Le don Félix Cotellon
Dans sa jeunesse membre de l'Association Générale des Etudiants Guadeloupéens dans laquelle s'engageaient les jeunes de Guadeloupe partis étudier en métropole, Félix Cotellon est devenu par la suite avocat et bâtonnier sans jamais perdre sa fibre militante. Son attachement à la Guadeloupe et à la diversité de sa culture l'ont conduit à défendre le gwoka et à être à l'origine du Festival de gwoka de Sainte-Anne en 1988. Il prit ensuite une part active dans la fondation en 2005 de l'association Repriz-Centre Régional des Musiques et Danses Traditionnelles et Populaires qu'il préside et qui porta l'inscription à la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco. Cette inscription fut finalement obtenue en 2014.
Ses convictions politiques l'ont conduit à rassembler une riche bibliothèque imprégnée des mouvements révolutionnaires, autonomistes et anticolonialistes dans le monde (Algérie, Afrique, Caraïbe). Une partie de ces ouvrages, assez anciens et témoins d'une époque, sont venus enrichir la collection Caraïbe du SCD de l'Université des Antilles.