Hommage à Maryse Condé : un héritage littéraire guadeloupéen
Maryse Condé : Une plume guadeloupéenne s'est éteinte
C'est avec une grande tristesse que nous apprenons le décès de l'éminente écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé. Née le 11 février 1934 à Pointe-à-Pitre, Maryse Condé laisse derrière elle un héritage littéraire monumental, marqué par une exploration profonde des identités antillaises, de l'histoire coloniale et des complexités du métissage culturel.
Diplômée de la Sorbonne, où elle se spécialise dans l'étude des littératures d'Afrique noire, Maryse Condé a traversé les frontières, tant géographiques qu'intellectuelles, pour devenir une voix majeure de la littérature mondiale. Son œuvre, riche et variée, comprend des romans, des essais, des pièces de théâtre et des autobiographies. Parmi ses publications les plus célèbres, "Ségou" (1984-1985), une saga familiale sur fond de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest au XIXe siècle, et "La Vie scélérate" (1987), pour laquelle elle a reçu le prix de l'Académie française, témoignent de sa capacité à tisser des récits captivants autour des thèmes de la mémoire, de l'identité et du déplacement.
Professeure émérite, Maryse Condé a enseigné dans plusieurs universités prestigieuses à travers le monde, partageant sa passion pour la littérature et l'histoire des peuples noirs. Son engagement pour la cause féministe et son analyse critique du post-colonialisme lui ont valu une reconnaissance internationale, symbolisée notamment par l'attribution du Nouveau Prix de Littérature en 2018, considéré comme un "Nobel alternatif".
Maryse Condé était une conteuse hors pair, dont les œuvres transcendent les frontières linguistiques et culturelles. Par ses écrits, elle a offert une voix aux sans-voix, explorant avec courage et finesse les douleurs et les joies de l'existence. Son héritage continuera d'inspirer les générations futures, tant sur l'île de sa naissance, la Guadeloupe, que dans le monde entier.
En cette période de deuil, nos pensées vont à sa famille, à ses amis et à tous ceux que ses écrits ont touchés. Le Service commun de la documentation de l'Université des Antilles s'engage à honorer sa mémoire en continuant de mettre à disposition son œuvre, afin que le flambeau de la connaissance et de l'émancipation qu'elle a porté tout au long de sa vie brille toujours.
Pour en savoir plus sur son œuvre et son impact, nous vous invitons à visiter le site dédié à Maryse Condé, qui vous permettra notamment de lire en ligne son premier roman Les Pharisiens, écrit en 1962 et jamais publié, ainsi que sa thèse soutenue en 1976 Stéréotype du noir dans la littérature antillaise Guadeloupe-Martinique.
Maryse Condé nous a quittés, mais son œuvre reste, indélébile, comme un témoignage éternel de son génie. Elle continuera à vivre à travers ses mots, qui restent une source d'inspiration inépuisable pour nous tous.
Plongeons dans l'univers riche et envoûtant de Maryse Condé à travers cette courte bibliographie de son œuvre. Disponible dans vos Bibliothèques de l'Université des Antilles
- Maryse Condé (1984). Ségou : Les murailles de terre. In Ségou. [1]. Les murailles de terre : Roman. Robert Laffont.
Ségou, c’est, à la fin du XVIIIe siècle, entre Bamako et Tombouctou – dans l’actuel Mali –, un royaume qui tire sa puissance de la guerre. À Ségou, on est animiste ; or une religion conquérante se répand dans les pays du Niger : l’islam, qui séduit les esprits et se les attache. De ce choc historique naîtront les malheurs de Ségou et les déchirements de la famille de Dousika Traoré. Les quatre fils de ce noble bambara proche du pouvoir royal connaîtront des destins opposés et terribles en ce temps où se développent, d’un côté, la guerre sainte et, de l’autre, la traite des Noirs. Ainsi, acteurs et victimes de l’histoire, il y a les hommes. Mais, plus profondément, il y a les femmes, libres ou esclaves, fières et passionnées, qui, mieux que leurs époux et maîtres, connaissent les chemins de la vie
- Maryse Condé (1985). Ségou : La terre en miettes. In Ségou. [2]. La terre en miettes : Roman. Robert Laffont.
Ségou est un roman si riche et si divers qu’on ne le peut résumer. Il est à la mesure – à la démesure – de ces terres du Sahel qui s’étendent sous un ciel immense. Un grand souffle le parcourt et l’anime : c’est l’âme même de l’Afrique. Après Les Murailles de terre, nous découvrons dans La Terre en miettes le destin de la deuxième génération des Traoré, de la noble lignée des Bambara, bouleversée par le raz de marée islamiste animé par les Toucouleurs qui ont investi Ségou en 1860. Une famille déchirée entre ses racines, l’islam et, bientôt, le catholicisme. La fatalité s’acharne sur un peuple et une culture, sans que la France du second Empire mesure la gravité des événements. Cette geste, peuplée d’inoubliables fi gures de femmes, est tout à la fois un cri d’espoir, un chant d’agonie et un appel à la tolérance. [Source : 4e de couv.]
- Maryse Condé (1986). Moi Tituba sorcière noire de Salem. In Moi, Tituba sorcière, noire de Salem. Mercure de France.
Fille de l’esclave Abena violée par un marin anglais à bord d’un vaisseau négrier, Tituba, née à la Barbade, est initiée aux pouvoirs surnaturels par Man Yaya, guérisseuse et faiseuse de sorts. Son mariage avec John Indien l’entraîne à Boston, puis au village de Salem au service du pasteur Parris. C’est dans l’atmosphère hystérique de cette petite communauté puritaine qu’a lieu le célèbre procès des sorcières de Salem en 1692. Tituba est arrêtée, oubliée dans sa prison jusqu’à l’amnistie générale qui survient deux ans plus tard. Là s’arrête l’histoire. Maryse Condé la réhabilite, l’arrache à cet oubli auquel elle avait été condamnée et, pour finir, la ramène à son pays natal, la Barbade au temps des Nègres marrons et des premières révoltes d’esclaves.
- Maryse Condé (1989). La vie scélérate. In La vie scélérate : Roman. Librairie générale française.
La 4e de couverture indique : « Retour aux sources pour Maryse Condé, la Guadeloupéenne et l auteur de Ségou. Retour sans complaisance ni grimaces ; c est ce regard serein posé sur son pays qui, d emblée, séduit dans cette saga intelligente où elle nous livre les secrets de la famille Louis, depuis le début du siècle et à travers les yeux d une adolescente, la plus jeune du clan ( ). Elle ne défend aucune cause, se contentant de faire vivre ses personnages avec leur courage, leur exubérance, leurs problèmes, mais aussi leurs mesquineries, leur maladresse, leur cruauté, leur intolérance. (Noëlle Loriot, l Express) / c est en quatre ou cinq générations, à la fois l ascension sociale d une famille et l éveil du monde caraïbe et même afro-américain à la conscience politique et culturelle. Mais, en romancière d expérience, c est à travers les amours, les malheurs, les voyages ( ), les illusions, les rêves et les espoirs avortés, les échecs de ses personnages, qu elle nous les fait deviner. Avec une lucidité et une objectivité remarquables. ( ) Fresque foisonnante de vie, de chaleur et de générosité (Pierre Démeron, Marie-Claire) »
- Maryse Condé (1991). Hugo le terrible. In Hugo le terrible. Ed. Sépia.
« 16 septembre 1989, 15h35. Attention, cyclone Hugo se dirige rapidement sur la Guadeloupe. Rejoignez les habitations ou les abris. Alerte 2 déclenchée ce jour à compter de 12 heures » Préfet Région Guadeloupe Les écoliers vont vivre une rentrée scolaire pas comme les autres. Michel abandonne ses leçons et se prépare, avec sa famille, à résister à Hugo le terrible. Maryse Condé, romancière de renommée internationale, fait revivre cette nuit de cauchemar avec le talent qu’on lui connaît.
- Maryse Condé (1995). Les derniers rois mages. In Les derniers rois mages. Gallimard.
Dans une île des Antilles, une famille vénère un ancêtre qui fut roi d’un pays africain. Son portrait trône, depuis des lustres, au-dessus du buffet. Et, tous les ans, ses descendants rendent hommage au roi, en un rituel à la fois sacré et mystérieux. Pour tout dire, les descendants de l’étrange souverain vivent en perpétuant, comme ils peuvent, les traditions dont ils ont hérité : la fidélité aux rites, la fierté et l’orgueil d’avoir du sang royal...
- Maryse Condé (1997). En attendant le bonheur (Heremakhonon). In En attendant le bonheur (Heremakhonon) : Roman. Robert Laffont.
Inspiré par les tragiques événements de 1962, dans la Guinée de Sékou Touré, Heremakhonon (expression signifiant « Attends le bonheur ») est l’histoire d’une désillusion. Véronica est une Guadeloupéenne un peu perdue en quête d’identité. Partie à la recherche du passé africain, elle ne trouve que pauvreté, dictature et bourgeoisie corrompue. Ses démêlés sentimentaux traduisent bien son désenchantement. En choisissant d’aimer Ibrahima Sory, son « nègre avec aïeux » aux manières princières, Véronica s’aperçoit peu à peu qu’elle s’est trompée de camp. En réalité, Ibrahima a les mains sales du sang de son ami Saliou. Et c’est pour ne pas avoir à choisir entre l’amour et l’amitié, entre deux visions de l’Afrique, que Véronica choisit la fuite...
- Maryse Condé (2000). Célanire cou-coupé : roman fantastique. Robert Laffont
Elle venait de ces colonies des Antilles dites françaises, d'un monde bariolé et strident où les vivants et les morts se mêlent parfois amoureusement. Été comme hiver, elle ne quittait jamais son foulard serré autour de son cou, pour masquer sa cicatrice. Elle n'aurait pas assez de toute sa vie pour se venger du crime dont elle avait été victime.Cette histoire est inspirée d'un fait divers survenu à la Guadeloupe en 1995 : la découverte d'un bébé à la gorge à moitié tranchée, jeté sur un tas d'ordures. L'imagination fantastique de Maryse Condé a fait le reste, pour créer Célanire, magicienne et putain, milliardaire et sainte, et tracer à l'encre rouge son singulier destin.
- Maryse Condé (2005). Histoire de la femme cannibale. In Histoire de la femme cannibale. Gallimard.
" - Est-ce que vous n’allez pas retourner chez vous ? Chez moi ? Si seulement je savais où c’est. Oui, le hasard m’a fait naître à la Guadeloupe. Mais, dans ma famille, personne ne veut de moi. A part cela, j’ai vécu en France. Un homme m’a emmenée puis larguée dans un pays d’Afrique. De là, un autre m’a emmenée aux Etats-Unis, puis ramenée en Afrique pour m’y larguer à présent, lui aussi, au Cap. Ah, j’oubliais, j’ai aussi vécu au Japon. Cela fait une belle charade, pas vrai ? Non, mon seul pays, c’était Stephen. Là où il est, je reste, ". La disparition de Stephen, assassiné dans une rue du Cap, est le dernier coup du sort pour Rosélie Thibaudin... Un drame qui la frappe de plein fouet, mettant un terme brutal à vingt ans d’un bonheur apparemment tranquille. Exilée, étrangère dans tous les pays, Rosélie devra réapprendre à vivre seule dans une Afrique du Sud berceau de tous les racismes. Dans un style flamboyant et vigoureux, Maryse Condé livre un réquisitoire passionné contre le racisme et la ségrégation.
- Maryse Condé (2008). Chiens fous dans la brousse. In Chiens fous dans la brousse. Bayard jeunesse.
Au bord du fleuve Niger, au Mali, au XVIIIe siècle, les jumeaux Naba et Malobali sont enlevés par des voleurs d’enfants pour être vendus comme esclaves à des Blancs. Naba se pend avant d’être acheté, alors que Malobali devient, à Gorée, l’esclave d’un médecin bienveillant. A l’esclaverie où il apporte des fruits aux malheureux, il rencontre Ayodele, la petite fille d’un prince, elle aussi enlevée. ©Electre 2017
- Maryse Condé (2009). Les belles ténébreuses. In Les belles ténébreuses. Gallimard.
«Le docteur Ramzi An-Nawawî n’était pas un docteur comme les autres, un vulgaire guérisseur de maladies humaines. Vêtu d’une gandoura sombre comme sa peau. Son visage saisissait. Sous la calotte noire des cheveux, un front ample trahissait des dons intellectuels, tandis que la bouche ourlée débordait de sensualité et que le menton creusé d’une fossette suggérait la tendresse. Kassem n’avait jamais contemplé un être aussi attirant.» De père guadeloupéen et de mère roumaine, Kassem se voit forcé d’endosser des identités qu’il n’a pas choisies. Il rencontre le Dr Ramzi dont il devient le protégé. Le médecin a une réputation sulfureuse. Kassem soupçonne des pratiques douteuses. Mais Ramzi exerce sur lui une fascination dont il ne peut se défendre… Sur un rythme haletant, Maryse Condé nous conduit d’énigme en rebondissement sur les pas d’un héros au destin à la fois burlesque et pathétique.
- Maryse Condé (2012). La vie sans fards. In La vie sans fards. J.-C. Lattès.
Narrer la vie sans fards, sans les embellissements rétrospectifs du récit de soi, telle est l’entreprise de Maryse Condé. De Paris à Londres, en passant par la Guinée et le Ghana, dans le bouillonnement intellectuel de la Négritude, parmi les heurts politiques d’un continent livré aux révolutions, c’est avant tout la construction d’une Antillaise libre et orgueilleuse, luttant farouchement pour son désir, entre son devoir de mère et sa propre réalisation. C’est l’Afrique toujours imaginée et enfin domptée. C’est la naissance d’un écrivain, dans toute la vérité de sa nature.
- Maryse Condé (2013). En attendant la montée des eaux. In En attendant la montée des eaux. Pocket.
Par une nuit d’orage, Babakar le médecin se voit appelé au chevet d’une mourante. La femme est haïtienne, réfugiée en Guadeloupe, pour donner naissance à sa fille. Une nouveau-née, orpheline et apatride, que Babakar prend aussitôt sous son aîle. Lui qui était seul, sauvage et déraciné, vit désormais pour deux. Il décide alors d’un voyage à Haïti, à la recherche de la famille de l’enfant et de l’histoire de sa mère. Là-bas, se pressent tous les bannis d’Afrique, les exilés, les sacrifiés du pouvoir... « Une histoire poignante et pudique, avec des personnages attachants. » (Lire) « Un roman envoutant. » (La Gazette) Maryse Condé a reçu le Prix Cino Del Duca pour l’ensemble de son oeuvre. Également chez Pocket : « Ségou » (2 tomes), « Le Cœur à rire et à pleurer » et « La Vie sans fards ».
- Maryse Condé (2017). Rêves amers. In Rêves amers. Bayard éditions.
Rose-Aimée a 13 ans. Elle vit heureuse dans son petit village à Haïti, jusqu’au jour où la misère l’oblige à quitter les siens. Mais à Port-au-Prince, chez l’odieuse Madame Zéphyr, il n’est plus question d’étudier ni même de découvrir les joies de la ville. Petit à petit, Rose-Aimée devient son esclave. Avec l’aide de Lisa, elle parviendra à s’enfuir, sans espoir cependant d’atteindre la liberté.
- Maryse Condé (2017). Le fabuleux et triste destin d’Ivan et Ivana : roman. Paris: JC Lattès
Les jumeaux Ivan et Ivana naissent à Dos d'Âne, une petite commune de la Côte sous le vent en Guadeloupe. Ils sont les enfants d'un père malien, musicien et poète parti avant leur naissance : ainsi toute leur enfance va baigner dans une atmosphère de femmes et de musique. Ivan aime passionnément sa soeur, trop peut-être...Peu à peu, la colère et la violence d'Ivan vont s'intensifier tandis que la douceur d'Ivana va se transformer en poison...jusqu'à l'affrontement final. Les jumeaux comprendront qu'ils sont les héritiers d'une longue histoire et capables du plus grand amour comme de la haine la plus farouche. Maryse Condé nous raconte ces deux vies qui n'en sont qu'une, l'envers et l'endroit d'une même réalité. Elle nous entraîne de la révolte d'une adolescence antillaise au fracas de la mondialisation d'aujourd'hui.