Hommage à l'historien Jean-Pierre Sainton
Jean-Pierre Sainton naît à Paris en 1955 où son père, Pierre Sainton, avait repris ses études de médecine tout en militant au sein des associations d’étudiants antillais. Il passe son enfance chez sa grand-mère maternelle à Trinité en Martinique, avant de rejoindre ses parents en Guadeloupe où son père, devenu médecin, s’installe à Capesterre en 1964. Pierre Sainton est aussi un dirigeant du Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe (GONG) qu’il a fondé à Paris. En 1967, il est accusé de complot contre l’Etat suite à la manifestation réprimée par la police le 28 mai à Pointe-à-Pitre. Son procès en 1968 à Paris voit l’intervention de témoins prestigieux comme Aimé Césaire, Jean-Paul Sartre ou Henri Leclerc.
Pendant ces événements, Jean-Pierre Sainton fait une scolarité brillante au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, puis à l’Université des Antilles et de la Guyane et enfin à l’Université Paris VII. En parallèle, il s’engage dans les associations de lycéens et d’étudiants qui sont le moteur du mouvement indépendantiste guadeloupéen. Il revient enseigner en Guadeloupe au début des années 1980. En parallèle à sa carrière d’enseignant, Jean-Pierre Sainton milite au sein de l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe où il est chargé des relations internationales et au Syndicat général de l’Éducation en Guadeloupe.
Il se détache peu à peu du militantisme au fur et à mesure de l’affaiblissement politique du mouvement national guadeloupéen pour se consacrer à la recherche. Son premier ouvrage paraît en 1985, Mé 67 : mémoire d'un événement (Pointe-à-Pitre : Société guadeloupéenne d'éd. et de diffusion). Il s’agit d’une étude sur les événements de mai 1967 à Pointe-à-Pitre. Faute d’accès aux archives, il s’appuie sur le recoupement de témoignages et produit ainsi un véritable modèle d’histoire orale.
Il écrit ensuite une biographie de Rosan Girard, Rosan Girard : chronique d'une vie politique en Guadeloupe (Pointe-à-Pitre: Jasor: Karthala, 1993), l’un des fondateurs du Parti Communiste guadeloupéen, maire du Moule à plusieurs reprises en butte aux autorités coloniales et préfectorales. Il y fait état de sa démarche qui consiste à vouloir : « comprendre l’histoire réelle des hommes, telles quelle, hors préjugé idéologique ».
Après avoir soutenu sa thèse en 1997, sous la direction de Jean-Luc Bonniol, Les nègres en politique : couleur, identités et stratégies de pouvoir en Guadeloupe au tournant du siècle (Université Aix-Marseille 1), Jean-Pierre Sainton devient maître de conférences puis professeur à l’Université des Antilles et de la Guyane. Il s’attache alors au développement des études historiques à l’Université et joue un grand rôle dans la création du département pluridisciplinaire de Lettres et sciences humaines à Saint-Claude dont il devient le premier directeur.
En 2012, il publie La décolonisation improbable : cultures politiques et conjonctures en Guadeloupe et en Martinique (1943-1967) (Pointe-à-Pitre : Éditions Jasor), une réflexion novatrice sur les dynamiques politiques dans des sociétés post-esclavagistes. Il y brosse un portrait d’Aimé Césaire beaucoup plus complexe qu'à l'ordinaire.
En 2015, dans le cadre du colloque Terres promises, représentations et imaginaires, il propose une esquisse d'un imaginaire politique guadeloupéen qui constitue une bonne synthèse à l'ensemble de ses travaux.
Il dirige les deux premiers tomes du manuel universitaire Histoire et Civilisation de la Caraïbe. Jean-Pierre Sainton est aussi l’auteur de nombreux articles dans des revues françaises et étrangères. En 2019, il avait été élu par ses pairs comme président de l’Association des historiens de la Caraïbe. Comme le souligne l’historienne Michelle Zancarini-Fournel, les hommages qui lui sont rendus permettent de mesurer la perte pour la Guadeloupe et les Antilles.