"A l’aide, les cultures urbaines sont dans ma classe !"
Mardi 4 décembre, la BU du campus de Schoelcher a accueilli Steve Gadet, maître de conférences en Études anglophones à l’UA, pour la présentation de son livre « A l’Aide, les cultures urbaines sont dans ma classe ! ». L'intervention, filmée, sera sous peu disponible sur la bibliothèque numérique Manioc.org.
En page de couverture, le fronton d’une école élémentaire guadeloupéenne frappé au nom du rappeur Admiral T… L’ouvrage de Steve Gadet porte sur la manière d’intégrer les cultures urbaines dans les pratiques pédagogiques et sur l’intérêt qui s’attache à considérer les cultures populaires comme un légitime vecteur d’apprentissage plus que comme un obstacle au bon ordre scolaire. Dans un premier temps, avec les Etats-Unis et la Caraïbe en toile de fond, la présentation socio-historique des cultures urbaines (hip hop, rap, slam, graffiti, tag…) fournit au lecteur les indispensables éléments d’appréhension du sujet ; la seconde partie du propos se veut éminemment pratique, allant jusqu’à présenter des modèles d’activités à réaliser en situation d’enseignement.
Introduit par deux citations de Michel Foucault relatives à l’écriture et à la recherche, ce livre n’aurait pu trouver auspices plus appropriés quand on songe à ce que fut la réponse du philosophe, interrogé en 1976 sur France inter, quant à sa vision de l’école : « On devrait apprendre que le savoir est profondément lié au plaisir ; il y a certainement une façon d’érotiser le savoir, de rendre le savoir hautement agréable. Que l’enseignement ait presque pour fonction de montrer combien le savoir est déplaisant, c’est un tour de force… »
A 40 ans de distance il y a dans « A l’Aide, les cultures urbaines sont dans ma classe ! » comme un bel écho à cette préoccupation, si hautement revendiquée, de restaurer, cultiver ou stimuler le goût d’apprendre chez des élèves placés face à des difficultés d'ordre scolaire et social, et dont les références, l’imaginaire et les pratiques culturelles s’accommodent parfois difficilement de la norme scolaire dominante. En pédagogue et praticien qu’il est (sans oublier l'artiste), Steve Gadet s’adresse à ces « enseignants qui voient les effets des cultures urbaines arriver dans leurs salles de classe », à travers un livre qui se veut tout à la fois « un manuel d’aide, de compréhension et de travail ». Connaître les différentes expressions des cultures urbaines (hip hop, rap, slam, graffiti, tag…), les réalités de vie et les aspirations à quoi elles renvoient pour mieux les exploiter en classe ne relève ni du pari démagogique ni de l’égarement pédagogiste .C’est au contraire se situer dans cette noble et séculaire lignée de l’éducation active, (Gadet réfère volontiers à Paulo Freire ), qui va à rebours d'un modèle où « les élèves reçoivent des informations en silence pendant que l’enseignant leur donne les précieuses nectarines du savoir ».
Ni généralisation, ni transposition d’un modèle universel mal ajusté à nos sociétés, la démarche de S. Gadet s’inscrit précisément dans le contexte antillais qui nous intéresse ; c’est pour l’essentiel l’objet des deux derniers chapitres : « Passons aux choses concrètes » et « Retours d’expériences ». Autre temps, autres pratiques culturelles- où l’on se rend, compte, avec le recul des décennies, qu’ « Eduquer aux Antilles » (autre chapitre) n’a jamais, pour les âmes convaincues, constitué une zone de confort. Ainsi, S. Gadet rend hommage à deux de ses prédécesseurs dans le registre de l’audace pédagogique : l’instituteur Gérard Lauriette dit Papa Yaya « l’un des premiers à se tourner vers l’élève et sa culture chez nous pour établir ses cahiers d’exercice »- avec une telle résolution, d'ailleurs, qu’il fut mis en marge de l’enseignement en 1949 pour « aliénation mentale » ; et Hector Poullet qui, vivement incité par la principale du collège de Guadeloupe où il enseignait en 1976 , fut - contre l’avis des instances académiques de l’époque- l’un des pionniers du créole à l’école comme matériau pédagogique et non uniquement comme langage de cour de récré....Pour compléter le propos, nous vous proposons ci-dessous une séléction de références bibliographiques.
Sur le sujet...
- CAIRN - Revues en SHS (abonnés UA)
Lafargue de Grangeneuve Loïc, « « J'ai pas inventé le hip-hop ! ». L'action culturelle à l'Opéra de Bordeaux (entretien) », Terrains & travaux, 2003/2
- OpenEdition - Revues en SHS (accès libre)
Claire Calogirou, « Réflexions autour des Cultures urbaines », Journal des anthropologues [En ligne], 102-103 | 2005, mis en ligne le 18 novembre 2010, consulté le 18 novembre 2018. URL
L’ensemble des recherches que je mène depuis plusieurs années concerne à la fois les notions de cultures urbaines et de jeunesse. Elles s’intéressent à l’analyse des pratiques et elles interrogent les notions d’espace public et de territoires spatiaux et symboliques. Elles s’articulent autour des problématiques de la place des jeunes dans la ville, de la prise en compte de groupes minoritaires ainsi que du sens des politiques qui se développent à leur égard.
Pierre-Louis Gauthier et Karali Pia Pitzele, « Plaisir et engagement à l’école : une politique d’établissement », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 57 | 2011, 99-107.
Les méthodes de travail et de vie en commun mises en œuvre dans la High School Green School de Brooklyn, New York, impliquent un engagement individuel des élèves et un investissement fort des enseignants qui n’excluent le plaisir ni dans l’enseignement, ni dans les loisirs au sein de l’établissement. Ces méthodes s’inscrivent dans une évolution majeure de l’éducation américaine issue du mouvement des idées des années 1960. Ce mouvement s’inspire des idées et principes de John Dewey et Paulo Freire.
Camille Vorger, « Vous récitiez ? Eh bien, slamez maintenant! », Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 9-1 | 2012
Cet article part du constat que la poésie est – ou a été – trop souvent vécue à l’école comme une injonction, sur un mode impératif et/ou sous des modalités peu variées : l’apprentissage "par cœur", suivi de la sempiternelle récitation. Pour beaucoup, il s’ensuit un Chagrin d’école, alors que ce type d’activités pourrait permettre d’accéder précisément au cœur de la langue […] Or de nombreux slameurs se font les tribuns de ces désenchantés d’une approche traditionnelle de la poésie, apprise par cœur - fût-ce à contrecœur - et appréhendée comme un lieu de contraintes.
Corinne Plantin, « La diffusion des cultures urbaines états‑uniennes dans l’agglomération de Fort-de-France », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 246 | Avril-Juin 2009, document 4, mis en ligne le 01 avril 2012, consulté le 17 novembre 2018. URL
La problématique de ce travail de recherche repose sur la diffusion complexe de ces cultures états-uniennes dans l’agglomération de Fort-de-France. Cette investigation permet de mesurer les impacts et les limites de l’américanisation culturelle dans un espace français insulaire caribéen davantage orienté vers l’Europe.
Felicia McCarren, « Le hip-hop. Une autre révolution », Terrain [En ligne], 44 | mars 2005, mis en ligne le 15 mars 2009, consulté le 18 novembre 2018.
Dans une culture globalisée, on imagine la danse hip-hop comme doublement mimétique, comme un code gestuel ; pourtant, au sein de la culture hip-hop, il demeure des poches importantes de différences locales. En réponse aux débats français et américains, il est démontré ici que le hip-hop n’est pas seulement imitatif dans un sens négatif et que le hip-hop français, en tant que danse civique, est plus qu’une simple imitation d’un « original américain »
Julie Vaslin, « Les espaces du graffiti dans les capitales touristiques : l’exemple de Paris et Berlin », EchoGéo [En ligne], 44 | 2018
Partant du constat que Paris, dont le bâti est largement classé au patrimoine mondial de l’Unesco, et Berlin, connue pour être « pauvre mais sexy », sont deux capitales européennes aux images très contrastées, cet article cherche à nuancer cette opposition en comparant les modalités du gouvernement de l’espace public dans ces deux villes. En particulier, le gouvernement du graffiti est révélateur, à Paris comme à Berlin, de logiques d’esthétisation de l’espace public convergentes. Effacés dans les hauts-lieux touristiques, les graffitis sont tolérés voire promus dans les quartiers populaires périphériques où se développe le tourisme hors des sentiers battus.
- HAL - Travaux de recherche en ligne (libre accès)
Yves Raibaud. De nouveaux modèles de virilité: musiques actuelles et cultures urbaines. Welzer-Lang, Daniel ; Zaouche-Gaudron, Chantal. Masculinités : état des lieux, Erès, pp.169-181, 2011
L'étude des lieux consacrés aux cultures urbaines, et en particulier aux musiques actuelles, peut contribuer à une meilleure connaissance sociologique du " masculin ...
- Thèses.fr - thèses en ligne
L'art transgressif du graffiti : pratiques et contrôle social. Nicolas Mensch. Thèse de doctorat en sociologie, Besançon, 2013.
Le graffiti hip-hop est un objet d’étude à la croisée de la sociologie urbaine, de l’art, de la jeunesse et du droit. Autour de cet objet, les représentations divergent, entre art et vandalisme. L’hypothèse ici retenue est que, sous l’angle des critères permettant d’authentifier la valeur d’un graffiti, la démarche transgressive de son auteur prime autant que ses qualités picturales. Il y aurait une relation dialogique entre pratiques « vandales » et pratiques « artistiques ».
En rayon à la BU